Quelles protections contre cookies et traçage ?

Dans un récent article (« Vie privée, environnement et internet ») je vous mettais en garde contre l’exploitation que font les GAFAM et les sites web de vos données personnelles. Je récidive ici ma mise en garde, en donnant plus de détails pratiques et méthodes pour que vous résistiez au vol de vos données personnelles, lorsque vous naviguez sur le web.

La publicité est la principale méthode de financement des sites Internet. Si c’est gratuit, vous êtes le produit (adage connu). Les deux géants Google et Facebook tirent la quasi-totalité de leurs revenus de la publicité et de l’exploitation de vos données personnelles. Ils représentent à eux deux autour de 50 % du marché publicitaire en ligne et cette proportion ne cessent de croître.

De nombreux sites vendent le « temps de cerveau disponible » de leurs utilisateurs. Ils reportent ainsi leurs coûts de fonctionnement sur l’achat des produits ou services de l’annonceur. Ce foisonnement de la publicité sur Internet cohabite avec le traçage de données personnelles. Ce traçage peut aller jusqu’au profilage détaillé des utilisateurs, qui peut déboucher sur une forme de surveillance. En effet, pour optimiser les annonces, les sites collectent de nombreuses données qui servent:

  • à identifier les profils des consommateurs potentiels (approche générale),
  • à proposer les publicités les plus susceptibles de conduire à l’acte d’achat (approche individuelle).

Les individus sont ciblés par ce biais en tant que consommateurs, parfois dans des proportions qu’ils n’imaginent pas. Leurs données peuvent également être exploitées pour la gestion ou la surveillance des populations. Les révélations Snowden ont montré que c’était le cas avec certains grands acteurs du numérique, notamment les « GAFAM » (Google Amazon Facebook Apple et Microsoft).

Le phénomène de collecte de vos données est plus général notamment en raison de l’existence des « courtiers en données » (databrokers) qui même s’ils demeurent dans l’ombre accumulent et exploitent des quantités colossales de données personnelles. Certains de ces acteurs ne se contentent pas d’utiliser ces données pour des motifs commerciaux, mais n’hésitent pas à les utiliser dans des cadres politiques tels que des élections.

Venons en maintenant aux quelques solutions disponibles pour éviter le pistage. Il existe une option présente dans les navigateurs web qui permet de signifier aux sites visités que l’on ne souhaite pas être tracé, le « Do Not Track » (ne pas tracer). Par exemple, dans Firefox (le navigateur que je vous conseille d’utiliser, car sous licence libre): dans l’onglet « Vie privée » des options, il faut cocher « Indiquer aux sites que je ne souhaite pas être pisté« .

Malheureusement, le « do not track » est resté un projet de standard qui n’a pas abouti et la plupart des sites visités ne respectent pas ce souhait. Au contraire cela peut leur permettre de constituer des bases d' »internautes qui ne veulent pas être tracés« .

Il faut noter que Firefox protège, par défaut, contre certaines opérations de traçage, notamment en navigation privée et continue d’avancer en cette direction.

Pour compléter cette protection et l’améliorer, il faut installer des modules qui vont bloquer au maximum les tentatives des sites pour obtenir des données sur l’utilisateur et le pister dans ses navigations sur le Web.

uBlock Origin

uBlock Origin est probablement le module le plus efficace contre le pistage (et à ce jour non encore compromis par la recherche de profit). Pour l’installer facilement sur Firefox, il suffit de l’ajouter via la plateforme d’extension de Firefox.

Il s’installe, par défaut, avec notamment une liste de base de publicités bloquées (Liste-FR+EasyList) qui va stopper la plupart des publicités sur Internet ainsi que la liste « EasyPrivacy » anti-traçage. Ces listes sont tenues à jour automatiquement et peuvent aussi être complétées. La sélection par défaut est efficace, mais pour en ajouter :

Aller dans les préférences du module (Options – Modules – Préférences uBlock Origin), onglet « Listes de filtres » et activer les listes pertinentes (par exemple celles classées en « Confidentialité » et en « Réseaux sociaux »)

Les listes « Fanboy’s Anti-Thirdparty Social » et « Fanboy’s Social Blocking List » sont importantes car elles bloquent les cookies dits « tiers » tels que ceux de Facebook, Google et Twitter, présents sur de nombreuses pages cachés derrière les boutons de « partage » (G+1, Like, Tw). Ceux-ci permettent à ces sociétés de connaitre les sites visités.

Decentraleyes

De nombreux sites Internet font appel, par praticité à des ressources basiques stockées chez des sites tiers appelé des « Content Delivery Network » (CDN). Certains de ces CDN en profitent pour tracer les visiteurs de ces sites Internet. Decentraleyes va installer ces ressources basiques sur l’ordinateur et renvoyer les requêtes en local au lieu de permettre aux CDN de récupérer des données. C’est donc un complément intéressant pour limiter le traçage en ligne. Pour ajouter Decentraleyes à Firefox, aller sur la page de l’extension dans la base de Mozilla, puis « Ajouter à Firefox ».

Privacy Badger

Privacy Badger, de l’Electronic Frontier Foundation, a pour objectif de combiner les avantages des différentes extensions protectrices de la vie privée (dont uBlock et Disconnect) au sein d’une seule extension. Il s’agit toutefois d’un projet récent et qui se consacre pour le moment principalement aux cookies traceurs. Il n’a pas pour vocation de bloquer les publicités qui ne tracent pas leurs utilisateurs. Son fonctionnement est automatique et dynamique (il examine les actions d’une page pour savoir quoi bloquer), il n’est pas toujours évident de comprendre son impact, mais il peut constituer un module intéressant pour se protéger.

Ces modules sont une protection non négligeable, mais pour s’assurer qu’aucune requête ne sera suivie à travers le Web, d’autres précautions sont nécessaires.

Quelques autres extensions intéressantes

  • En naviguant sur Internet, on transmet par défaut les caractéristiques du navigateur et du système d’exploitation. Pour le constater, on peut réaliser ou tester le « Panopticlick » de l’EFF. Pour éviter d’être trop transparent et choisir les informations transmises, on peut utiliser User Agent Switcher. Ce module permet de faire croire que la requête provient, par exemple, d’une vieille version d’Internet Explorer ou d’un robot d’indexation de contenu de Google.
  • Le module Lightbeam de la Fondation Mozilla permet de prendre visuellement conscience de certaines opérations de traçage en ligne.
  • HTTPS Everywhere, de l’Electronic Frontier Fondation, vise à faire transiter les communications de façon chiffrée dès que cette option est disponible et réduit ainsi les risques d’écoutes.
  • Je vous signale aussi Self Destructing Cookies, qui permet de se débarrasser des cookies générés par une page dès que celle-ci est fermée évitant ainsi que ces cookies soient ultérieurement consultés.
  • Pour les utilisateurs plus hardis et prêts à réaliser les configurations nécessaires (souvent gérer les autorisations site de confiance par site de confiance), je vous recommande d’utiliser uMatrix.

Enfin et pour vous faire prendre conscience de la façon dont vos données fuitent sur le web, je vous propose de visualiser le tracking en temps réel de votre navigation avec un outil de la CNIL « Cookieviz« <- Clickez donc sur ce lien. La version proposée par la CNIL de cet outil didactique date de janvier 2020 – Bonne découverte.

Voila.