Place à la cyberdélinquance

Le temps des casses contre les banques et autres grandes bijouteries de luxe fait partie des récits historiques mettant en scène des figures comme les membres de la bande à Bonnot (premier casse en automobile contre la Société Générale en 1911) ou les membres du gang des égoutiers (le casse de Nice contre la Société Générale en 1976). C’était durant le siècle précédent.

Les technologies d’aujourd’hui font évoluer l’appétit des délinquants sérieux vers des cibles moins bruyantes (les victimes communiquent peu, et les indices révélant les attaques restent peu visibles) et financièrement plus intéressantes.

J’ai mentionné dans mon article du mois dernier l’attaque de hackers contre la société Garmin. J’avais découvert cette attaque en tentant de me connecter aux services de Garmin ouverts aux possesseurs de leurs objets connectés.

Ceux qui s’intéressent, comme moi, aux technologies informatiques et au web, consultent occasionnellement les journaux « spécialisés » dont les colonnes sont alimentées par des professionnels ou des experts. Il ne se passe plus une semaine sans que les observateurs avisés relatent une ou des cyberattaques contre des sociétés, des groupes, des organisations gouvernementales qui peuvent dépenser des sommes très importantes pour nettoyer les effets des attaques. Cet été a été particulièrement chargé en attaques du type rançongiciel (ransomware: blocage de service et demande de rançon). Les informations qui suivent ont été publiées dans Le Monde Informatique le 28 aout (article de Jacques Cheminat).

Autorités judiciaires, policières et en charge de la cybersécurité sont formelles, la règle dans les affaires de ransomware est de ne jamais payer la rançon. Les arguments : le risque de ne récupérer ni la totalité ni même une partie des fichiers chiffrés et la promotion de ces activités cybercriminelles.

Mais derrière les positions de principe se cache une réalité bien différente, comme le montrent deux cas arrivés durant la période estivale. Le premier est Garmin victime du rançongiciel WastedLocker, paralysant plusieurs de ses services. Les analystes ont été surpris par la rapidité du rétablissement des activités de la firme et ont soupçonné le paiement d’une rançon pour obtenir un décrypteur. Le groupe Evil Corp derrière le ransomware exigeait 10 millions de dollars. Au-delà du probable paiement par Garmin, c’est la manière de procéder de l’éditeur, épaulé par les deux sociétés Emsisoft et à Coveware, qui interpelle. La première est une société en cybersécurité, connue pour fournir des décodeurs de ransomware à partir de ceux fournis par les cybercriminels. La seconde propose des services de négociation de rançons. Garmin aurait donc à la fois payé pour obtenir cet outil, mais aurait demandé à Emsisoft de l’analyser et de le rendre pleinement opérationnel afin de débloquer les machines et les fichiers.

L’autre cas est celui de Carlson WagonLit Travel (CWT), spécialiste des voyages d’affaire. Victime de Ragnar Locker, il aurait payé 4,5 millions de dollars pour remettre en route les 30 000 PC paralysés. Au départ, le gang réclamait 10 millions de dollars et c’est le directeur financier de CWT en personne qui a assuré la négociation. Plaidant les difficultés de l’entreprise liées à la crise sanitaire, il a réussi à réduire le montant de la rançon.

extrait du Monde Informatique – 28 Aout 2020

Une autre information datée de fin aout et confirmée par Elon Musk: un employé de Tesla a refusé un million de dollars de la part d’un « espion russe » pour infecter par un ransomware l’usine de Tesla dans le Nevada.

Le paysage cybercriminel est en évolution et le rançongiciel « ransomware as business » devient une activité structurée qui intéresse de plus en plus de groupes criminels. La rentrée risque d’être chargée sur ce front.

Les vols de données, usurpation d’identité, faux support techniques, phishing (hameçonnage), spoofing (usurpation d’identité email), et autres attaques au niveau des personnes (comme vous et moi) connectées au web sont moins spectaculaires mais peuvent causer plus de tracas lorsque on en est personnellement victime. D’après une étude menée en 2019 par l’institut nationale de la consommation, 9 Français sur 10 ont déjà été confrontés à la cybermalveillance. La prudence, des connaissances de base sur les méthodes employées par les auteurs de ces activités et un minimum de discernement dans l’utilisation des services Internet (web, email, etc..) peuvent vous éviter d’être la prochaine victime.

Je vous conseille une visite du site national dédié à la protection contre la cybermalveillance (cybermalveillance.gouv.fr). Il contient des informations sur les moyens utilisés par les cyber-malfaisants, des conseils pour se protéger et la possibilité de déposer plaintes, et demandes d’intervention.

Voila.